(FR) Si Aby Warburg a été le premier à définir une méthode d’interprétation iconologique, s’il a créé une bibliothèque des sciences de la culture unique au monde, l’innovation décisive qu’il a introduite dans le champ épistémologique de l’histoire de l’art est bien Mnémosyne : œuvre absolument originale et unique, dont l’ambition n’est rien moins que de poser les fondements d’une grammaire figurative générale, et qui ouvre des perspectives dont la portée n’a pas encore été totalement mesurée. Par la complexité des problèmes auxquels s’est confronté Warburg face à cet immense corpus d’images, c’est l’attention de l’ensemble des sciences humaines qu’il a attirée sur son œuvre.
Resté inachevé à la mort de l’auteur, ayant mobilisé l’énergie intellectuelle et physique de ses dernières années, Mnémosyne peut être considéré comme l’aboutissement de toutes ses recherches. Il constitue le plus ambitieux corpus d’images jamais réuni, dont la genèse et l’évolution sont liées à une pratique discursive et à un mode de transmission du savoir que préconisait Warburg, mais qu’il convient aussi d’examiner sous l’angle de ses relations avec le problème de la mémoire et avec sa bibliothèque. L’essai de Roland Recht se propose de replacer ce work in progress dans son contexte intellectuel.
Professeur au Collège de France, membre de l’Institut, Roland Recht a donné une impulsion décisive à l’historiographie de l’art par ses publications mais aussi par son enseignement. Il est sans doute l’un des meilleurs connaisseurs des méthodes et des théories de l’histoire de l’art : dès le début des années 1980, il donnait à l’université de Bourgogne un séminaire sur Aby Warburg en un temps où aucun de ses écrits n’avait été traduit en français.